mercredi 31 mars 2010

Soirée madrilène pour deux acteurs

Il est minuit à la Puerta de Alcala et la nuit madrilène ne fait que commencer.
0:06. Une hôtesse accueille les invités à l'entrée du bar "Ramsés". Son look colle à la perfection avec le nom du lieu, bar hype et branché, couru tous les soirs de la semaine, réputé pour ses cocktails, idéal pour tout type d'évènements. Elle ressemble à Isis avec ses grands yeux charbonneux, ses cheveux d'un noir de jais tirés en arrière et sa longue silhouette de femme fatale.
0:30. Une soirée privée attend les acteurs Gerard Butler et Jennifer Aniston, venus présenter leur dernier film dans la capitale espagnole. Les voitures se garent devant les larges trottoirs face au parc du Retiro. La salle supérieure du bar se remplit peu à peu.

0:45. Deux filles russes font la connaissance de deux garçons sud-américains. Photos à l'appui ou comment se retrouver sur facebook. Les hommes sont gominés. Les filles perchées sur des talons vertigineux.
0:56. Fumer cigarette sur cigarette et tremper ses lèvres dans un wildberry martini. Les acteurs vont-ils arriver?...

1:22. Une présentatrice tv, toute blonde platine, quitte le bar. Le cameraman et son assistante qui attendaient de pied ferme depuis une heure s'en vont. Lassés de se geler à l'entrée du bar.
1:30. Des chauffeurs déposent encore des invités. D'autres partent faire la fête ailleurs. Toujours pas de Gerard ni de Jennifer.

2:23. Ils ne viendront pas. Le lieu était à leur disposition et tous ont attendu, en vain. Mais peut-être que leur dîner s'est éternisé ou que l'envie leur est passée de venir profiter d'une fête madrilène. Libre à eux de planter là tous leurs invités.


Photos : leschroniquesdelouise

lundi 22 mars 2010

Corneille, le métro et Aurélien

Dans le Quartier Latin, les librairies se disputent les trottoirs pour écouler leurs livres bon marché. Les bacs sont pleins à craquer. "Romans. 0,20 centimes". L'illusion Comique me tombe dans les mains. Les textes sont beaux. Il suffit de fermer les yeux pour ré-entendre les acteurs déclamer les vers de Corneille et revivre l'histoire du jeune Clindor et de la princesse Isabelle.
Mais, une oeuvre de Corneille à vingt centimes, est-ce son prix?

"Je te le dis encor, ne sois plus en alarme:
Quand je veux, j'épouvante; et quand je veux, je charme;
Et, selon qu'il me plaît, je remplis tour à tour
Les hommes de terreur, et les femmes d'amour."

Pour égayer le quotidien parisien, quoi de mieux qu'un peu d'histoire à chaque station de métro? Lorànt Deutsch a fait le pari de raconter Paris en parcourant les lignes du "métropolitain". On apprend que la Lutèce des origines ne se situait pas sur l'Île de la Cité mais à Nanterre. Que la Place d'Italie était tout simplement une étape sur la via romana qui menait à Lyon et à Rome. Que le Louvre -loewer dans la langue franque- n'était qu'un camp fortifié dressé par les Francs qui assiégeaient Paris. Que la station Châtelet tire son nom de petites forteresses de l'époque de Charles le Chauve, appelées petits châteaux ou encore châtelets.

Sortons du métro. C'est le moment de prendre l'air. Et d'ouvrir Aurélien de Louis Aragon. Il suffit de se promener dans les rues de Paris avec Aurélien et Bérénice, les amoureux brisés.
"Merveille de Paris. Ne plus penser. (...) Il y avait les Grands Boulevards et il y avait le Luxembourg, il y avait la gare de l'Est et il y avait Montrouge. Changer de quartier n'était une infidélité à personne: les Invalides ne la gronderaient pas du temps passé aux Buttes Chaumont."

vendredi 12 mars 2010

Scène théâtrale vs scène politique

Un soir de représentation à la Comédie Française est comme un rêve, ou plutôt une parenthèse dans le quotidien. La beauté et la somptuosité du lieu saisissent le spectateur. Les dames n'ont plus leurs beaux atours, les messieurs ne portent plus de beaux habits. Quoique, dans l'assistance soudain, on voit un noeud papillon. Le seul. À la place des belles dames, une classe de lycéens occupe sur trois rangées les fauteuils du premier balcon.
Lever de rideau. Fantasio entre en scène. Fantasio est un cynique, un révolté. Il va pourtant réussir à devenir le bouffon du roi de Bavière et empêcher la princesse Elisabeth d'épouser le ridicule prince de Mantoue, joué par un très drôle Guillaume Gallienne.
C'est une femme qui joue Fantasio, suprenant au premier abord. On s'habitue très vite à sa voix rauque et à son travestissement. Les officiers, prince et roi sont solennels dans leurs beaux habits. Oeuvres de Christian Lacroix. Sublime, la robe de mariée de la princesse Elisabeth la rend radieuse et mélancolique à la fois.

Le Cirque d'hiver, un lieu insolite pour un meeting du PS.
A l'entrée, un homme-pancarte dénonce une injustice: ex-chauffeur de François Hollande et Martine Aubry, il n'a pas été payé pour ses six derniers mois de service...
Entrée côté journalistes. La salle de presse est immense. Mais voilà déjà tous les professionnels de l'information installés dans les gradins du Cirque, caméras, appareils photos et ordinateurs en main. Les jeunesses socialistes font flotter leurs banderoles rouges, roses et blanches.
Bertrand Delanöe, Martine Aubry et Jean-Paul Huchon font leur entrée au son de la musique des Lapins Féroces. Tout un programme.
Dans l'assistance, beaucoup de jeunes, des sourires. Applaudissements et acclamations ponctuent les discours des politiques.
Les journalistes travaillent, impassibles à l'excitation des militants.
Martine Aubry parle depuis presque une heure. Le Cirque a commencé de se vider.
Tous se précipitent à la fin pour embrasser leurs candidats, les flashes brillent et la foule s'éparpille à la sortie.

lundi 1 mars 2010

En route vers le Sud

Dans l'obscurité du petit matin, le train s'ébranle et quitte le remue-ménage parisien.
La campagne est humide et fade. Les arbres ne sont encore que des ombres tristes qui peinent à s'extraire de la brume matinale. De temps à autre, un clocher ou une ferme surgit de la grisaille. C'est encore l'hiver dans le Nord.
Et voilà que le Sud approche. Une lueur d'espoir brille faiblement: la mer, le soleil, l'Espagne. Passé Narbonne, juste avant Port-la-Nouvelle, le train traverse des eaux d'un bleu azur et profond. Il semble transporter ses voyageurs vers des îles inconnues, perdues dans un empire lointain de la Méditerranée.
Deux mouettes s'envolent. Un pêcheur, debout sur sa barque, remonte son filet. Et le train file à vive allure vers son but. "Toujours plus au sud", semble-t-il dire. Vers le soleil, vers le bonheur. Il n'est déjà plus aux milieux des eaux. La mer s'étend à l'Est. Derrière la ligne de l'horizon, se devinent d'autres îles et d'autres contrées, toutes ensoleillées.
Charmant printemps qui s'annonce avec ses amandiers en fleurs, tandis que la neige blanchit encore les sommets pyrénéens.
Dans le lointain, les Albères, dernière barrière (naturelle) avant l'Espagne, derrière lesquelles on devine l'étendue du royaume ibérique et les grandes plaines sèches et jaunes de Castille. À l'Ouest, le Canigou, montagne fière et majestueuse qui veille jalousement sur sa région depuis des siècles. Le train a atteint son but. Le sud du Sud. Le Roussillon.